Autrefois la baie de Houistreham était un large estuaire où la mer "Océan britannique" s'avançait de 16 kilomètres à l'intérieur des terres.
Après la conquête de la Gaule par César, en 51 avant J.C., les Romains s'installèrent dans la région et édifièrent des fortifications pour assurer leur défense et protéger les voies de communication.
A cette époque la capitale des viducasses était Araguenaue (aujourd'hui la commune de Vieux), ville riche au sud-ouest de Caen.
Caen, en bordure de l'Odon, n'était qu'un petit village.
De nombreuses voies romaines parcouraient la région. L'une d'entre elles allait de Bayeux à Bénouville en passant par Reviers et Douvres.
Une autre, souvent empruntée par des pèlerins, se rendait à la Delyvrande, lieu de pélérinage important, passant au sud de Bernières en un lieu nommé Saint Ursin.
Epron se trouvait dans un triangle formé par la voie Bayeux - Bénouville et la voie Saint Côme à Vieux.
Un très ancien chemin, tracé en ligne droite partait d'une source dite miraculeuse à Saint Clair, longeait une villa gallo-romaine, traversait Lebisey puis Epron, passait par le lieu dit "La Croix Cantée" (Epron) et se prolongeait vers Cambes.
Epron est situé à 4 km au Nord de Caen sur la route menant à Douvres-la-Délivrande et à la mer.
D’après des recherches effectuées sur l’origine du nom "Epron", plusieurs explications du nom avec des orthographes différentes:
ESPERON en 1207, nom de l'homme, du latin ASPERIUS et du suffixe ONEM (dans le cartulaire ou chartier d'Ardennes).
Autre forme étymologique, EPERON ou EPRON parait désigner une "motte" ou lieu assez élevée, c'est à dire une fortification en angle saillant, placé en avant de Caen contre les attaques venant de la mer ! (Sociétè des Antiquaires de Normandie).
Un peu d'histoire…
Epron est le seul village à porter ce nom en France.
C’est surtout en 1948 qu’il devient célèbre.
La guerre de 1939-1945, anéantit le village, mais la chance et la solidarité ont fait d’Epron le village de France reconstruit avant les autres.
Ceci grâce à Francis BERNARD et Jean NOHAIN.
Guerre 1914-1918
A cette époque, la population était réduite à 90 habitants.
Comme toutes les communes de France, Epron compta des hommes tués au combat.
Après la Grande Guerre, Epron est une bourgade calme et paisible. Chacun se connaît, on vit au village sans histoire. De petites fêtes locales sont organisées et on s'amuse : les enfants défilent, bicyclettes, landaus fleuris… C'est la joie, la bonne humeur…
L'orphelinat
On ne peut pas parler d'Epron sans parler de l'orphelinat du Père Robert.
Le Père Robert, jeune curé de 44 ans, fonda officiellement son Œuvre avec 2 francs en poche le 30 septembre 1928.
Les pensionnaires de cet orphelinat ne sont pas des délinquants, ni même toujours abandonnés.
Cette Œuvre connaît très vite un rapide essor. Des terres sont achetées, des bâtiments construits : le Père en est l'architecte et les enfants les ouvriers. On élève du bétail, des poules, des lapins…. On y fabrique du pain...
En mai 1929, il y avait 29 enfants.
En mai 1937, ils étaient 90.
Cependant, l'Œuvre restait pauvre et souvent le Père Robert, qui voulait à tout prix sauver "ses gosses" appelait à l'aide.
Les enfants abandonnés arrivent et le Père Robert ne peut les refuser. Il monte, comme il peut, de sommaires bâtiments. Tout est utilisé : bidons, vieilles poutres, tables ou chaises… Rien n'est perdu.
Malgré cette situation, les enfants ont le sourire et ne se sentent plus abandonnés.
Juin-juillet 1944
Après quatre années d'occupation allemande, le moment est venu d'infliger un terrible coup. Celui-ci est lancé par les forces alliées qui constituent une grande équipe unie, sous le commandement du Général Eisenhower.
6 juin 1944
Un bruit sourd au loin. Des avions rôdent, les sirènes retentissent. C'est sans aucun doute le jour J.
Vers 7h du matin, des avions survolent Epron en direction de Caen, ils vont bombarder la gare et on signale les premiers morts caennais.
Durant cette journée, 3 bombardements détruisent une partie de la ville de Caen
7 juin 1944
A quelques heures près, Epron aurait pu ne jamais connaître ces heures douloureuses. En effet, dans la nuit du 6 au 7 juin, les troupes allemandes ont organisé une ligne de défense s'étendant de Lébisey à Epron et du bois de Cambes à la routes de Courseulles.
Le front est alors à Epron ce jour du 7 juin. Epron est occupé par la 21ème Panzer-division qui, malgré la contre-attaque, ne progresse pas d'un pouce.
La bataille fait rage. De nombreux blindés sont détruits.
242 hommes dont 128 prisonniers (côté anglais) et 386 pertes pour les Allemands : ceci décrit la terrible bataille dans le village et aux alentours.
8 juin 1944
Sur la ligne Saint-Contest/Epron, a lieu un grand combat de chars.
10 juin 1944
Les Allemands et les Anglais poursuivent les combats avec acharnement.
L'Orphelinat est rasé, les enfants et le personnel vivent le plus souvent dans les tranchées qu'ils ont creusées.
12 juin 1944
Les Allemands donnent l'ordre aux derniers civils de quitter le village. C'est dans la nuit du 12 au 13 que les enfants sont évacués.
20 juin - 8 juillet 1944
Les combats se poursuivent.
Epron est anéanti petit à petit…
Le village a été pris et repris 6 fois, 200 000 obus au moins sont tombés sur le village.
9 juillet 1944
Epron est libéré à 16h30 par la 59th Staffordshire Division.
Bilan
Avant : 35 maisons et 225 habitants.
Après : 7 maisons et 134 habitants.
Epron est sinistré à 85%.
Novembre 1948
A cours du tour de France cycliste, Francis Bernard, chef du service des relations avec la presse et les auditeurs, suit le tour en compagnie de Jean Nohain.
Traversant tant de villages dévastés, ravagés par la guerre qui vient de se terminer, il a l'idée, à son retour à Paris, de faire patronner un de ces nombreux villages par la Radiodiffusion Française.
Francis Bernard demande d'abord aux auditeurs : "Quels sont les départements les plus sinistrés" ?
Sept sont alors proposés.
Les auditeurs choisissent le Calvados. Sur les 700 communes qui composent le département, 19 seulement ont été épargnées.
C'est alors que, sans perdre de temps, François Langlois, Maire d'Epron, réagit très rapidement et adresse un courrier à Monsieur le Préfet du Calvados.
Peu de jours après, la Radiodiffusion Française invite le Préfet du Calvados à désigner 10 communes de moyenne importance, parmi lesquelles une sera choisie comme filleule.
8 décembre 1948
Le tirage au sort a lieu à la Gaîté Lyrique à Paris.
Le nom tiré au sort est Epron. La joie est grande et indescriptible.
"Epron, Village de la Radio" est né.
Comment se procurer les fonds nécessaires pour reconstruire une partie du village ?
Jean NOHAIN et Francis BERNARD ont une idée merveilleuse : collecter les vieux billets de 5, 10 et 20 francs (fin janvier 1949, 4 millions de francs sont collectés).
16 décembre 1948
Huit jours après le tirage au sort, Epron reçoit ses parrains. C'est une rencontre pour étudier plus profondément les souffrances passées, les besoins actuels, les projets.
Aussi, les conversations ne sont pas prises à la légère et les techniciens de la radio sont là, eux aussi, pour enregistrer les auditeurs et pouvoir diffuser un reportage, tout aussi vivant que poignant.
Un élan de solidarité a permis la récolte de nombreux fonds pour la reconstruction d'Epron.
Cette solidarité est arrivée au-delà des frontières. En effet, des lettres parviennent de plusieurs pays étrangers (Angleterre, Bruxelles, Hollande, Etats-Unis…).
De plus, de nombreux anonymes ont envoyé des poèmes ou des lettres de soutien et d'encouragement pour la reconstruction.
A Caen, des magasins installent des urnes en bois afin de collecter des fonds pour le "Village de la Radio", des dons sont faits (disjoncteurs, chaux hydrauliques…).
Un architecte marseillais propose d'élaborer gratuitement les plans de construction du village. Un ingénieur nantais se tient gratuitement à disposition pour établir tous les mémoires d'électricité qui seront faits pour les bâtiments communaux. Un verrier parisien offre un vitrail pour l'une des fenêtres de la future église. Partout en France, on pense à Epron…
25 janvier 1949
La Banque de France envoie un chèque de 550 000 francs, recette provenant d'une manifestation organisée par les salariés au profit d'Epron.
Près de Rouen, l'Union Nationale des Évadés de Guerre organise une soirée qui rapportera 16 574 francs.
Les commerçants du boulevard Magenta à Paris ont décidé d'offrir un article de leur spécialité. Tous ces articles réunis représentent une valeur d'un million de francs et sont mis en vente au cours de la semaine commerciale.
30 janvier 1949
Le maire d'Epron est reçu par le Maire du Xème arrondissement de Paris afin de se rendre compte du magnifique geste des commerçants et des employés.
15 février 1949
Le producteur de "La Maternelle" a récolté la somme de 30 000 francs lors de la première projection de ce film.
La reconstruction suscite les bonnes volontés.
Jean FACON-MARREC, peintre bien connu en 1949, offre en mai, dans les salons du club de la publicité de Paris, des aquarelles qu'il a exécutées à Epron. Ces œuvres seront vendues au profit de la reconstruction d'Epron.
Ces œuvres sont appelées "Cartes-Briques".
20 février 1949, Epron reçoit la Croix de Guerre
Une grande pancarte fixée sur la petite baraque de planches qui sert de Mairie, porte les mots suivants : "Epron Village de la Radio".
Ce semblant de Mairie est décoré de sapins et de drapeaux tricolores. Monsieur LANGLOIS, Maire, entouré de Monsieur DEFOND, représentant les Anciens Combattants, de Monsieur LE GOFF, Directeur de l'Orphelinat, rappelle la tragique histoire de ce village devenu célèbre à travers la France et au-delà des frontières, et dont la Radio est marraine. Après la remise de la décoration, les orphelins chantent la Marseillaise et le Maire invite les officiels à signer le livre d'or de la Mairie. Les orphelins saluent le départ des officiels d'un chant en l'honneur d'Epron.
Les cloches sonnent
Le 25 avril 1949, Epron se réveille au son des cloches qui seront bénites dans la journée.
"C'est le premier cri de joie d'un pays qui va renaître".
Les dons affluent...
Durant cette année 1949, beaucoup de manifestations sont organisées et permettent de récolter de nombreux dons afin de reconstruire petit à petit le Village de la Radio.
Les émissions de Jean NOHAIN se multiplient, la collecte de vieux billets se poursuit, d'autres dons affluent de tous les coins de la France. Le plus symbolique est celui du Comptoir Central de la Terre qui offre : 10 tonnes de briques, 10 tonnes de tuiles…
Pose de la première pierre
Le 5 juin 1949, la première pierre du Village de la Radio est posée.
De nombreuses personnalités, donateurs et autres anonymes ont fait le déplacement afin de participer à cet évènement national qui ravit les Epronnais mais aussi tous les Français qui ont participé à cette reconstruction par l'intermédiaire des dons, des manifestations…
Inauguration de la nouvelle mairie
Le 22 octobre 1950, la nouvelle mairie est inaugurée.
Epron est pavoisé à souhait et des drapeaux tricolores flottent aux fenêtres encore béantes des 22 maisons reconstruites dans la rue principale.
De nombreuses personnalités sont présentes, parmi lesquelles nous relevons évidemment Francis BERNARD et Jean NOHAIN, promoteur et animateur de la rénovation d'Epron, Monsieur GAZIER, ministre de l'information…
François LANGLOIS remercie chaleureusement tous les Français qui ont participé à la reconstruction de la commune que l'on peut à juste titre surnommer : "capitale de la générosité française".
Une école à Epron
Il n'a jamais existé d'école publique à Epron. Le coût estimé pour lequel l'Etat devrait participer pour 80 à 85% est évalué à 6 millions de francs.
Alors, Francis BERNARD, le "bienfaiteur d'Epron" une seconde fois, veut faire quelque chose pour que les enfants du "Village de la Radio", aient une école.
Son idée : deux enfants de France, un garçon et une fille, vont faire le tour de France pour donner à leurs camarades d'Epron une école.
Comment : les enfants monteront dans une voiture et celle-ci n'avancera que si les dons affluent. Tant d'argent, tant de kilomètres. Tous les dons furent acceptés et les plus généreux donateurs nommés sur les ondes. Le tour de France fera l'objet d'une émission radiophonique et chaque jour à 13h10, les deux enfants donneront leurs impressions sur les villes et villages traversés.
C'est en 1952 que la RDF verse la somme de 2 346 911 francs dont 215 000 francs ont été utilisés pour l'achat du terrain sur lequel doit être construite l'école.
En 1955, l'école s'installe définitivement dans les bâtiments construits pour elle : une grande salle et une petite pièce attenante, un préau et une grande cour. Il n'y a qu'une seule classe et une seule institutrice. Très vite cette école deviendra insuffisante.
Silence on tourne à Epron
Quatre-vingt vedettes sur une même affiche, "Au fil des Ondes", film dont le bénéfice sera offert à Epron, "Village de la Radio".
Ce film tourné à Epron, est projeté le 27 mars 1951 à Caen, salle du Majestic. Mais ce n'est que trois ans plus tard, le samedi 15 novembre 1954, à 16h, qu'il est projeté à Epron lors de l'inauguration de la salle des fêtes.
Francis BERNARD, invité, s'est excusé car il était retenu à Paris.
L'église
De 1944 à 1953, malgré les fissures énormes causées par les bombardements, l'office se fait dans l'église. Un buffet sert d'autel, des bancs ont été prêtés par les fermiers et récoltés un peu de tous les côtés.
C'est le 4 novembre 1957 que la bénédiction officielle de l'église reconstruite a lieu.
A la suite des émissions de la RTF, plusieurs donateurs catholiques décidèrent de se grouper pour offrir une statue de la Vierge qui serait Notre-Dame de la Paix.
Voici encore une preuve de solidarité…
La reconstruction est terminée…
Les fonds rassemblés ont donc servi à édifier une Maire et une salle des fêtes (très moderne pour l'époque), à secourir l'Orphelinat dont il ne restait plus rien, à construire une école.
Mais le principal bénéfice du tirage au sort fut de classer la commune parmi les villages prioritaires, c'est-à-dire ceux à qui les dommages de guerre seraient attribués en premier lieu.
Ainsi, les opérations de reconstruction furent réalisées en un temps record et avec des conceptions avancées pour l'époque.
En 1951, 22 logements en dur avaient déjà remplacé quelques-uns des baraquements provisoires… En 1954, le gros de la reconstruction était achevé, permettant à la commune de retrouver une population de 184 habitants ('il n'en restait que 20 après le bombardement).
Ainsi fut renouvelé presque complètement le patrimoine immobilier de la commune.
Les bienfaits des opérations de reconstruction furent de deux ordres :
- en premier lieu : l'habitat et la voirie réorganisés devenaient mieux adaptés à la vie d'après-guerre,
- ensuite et surtout : Epron était désormais prêt au passage progressif à la vie urbaine…
Aujourd’hui, Epron poursuit son développement
De nombreux quartiers se sont construits, accueillant une nouvelle population.
En 2013, la population est de 1536 habitants.
D’autres projets sont en cours dont le développement d’une ZAC de plus de 50 hectares dont 17 hectares seront aménagés à partir de 2014.
L’orphelinat du Père Robert devient un centre d’accueil pour enfants prenant le nom de « Foyer du Père Robert »; géré en partenariat avec la DSS du Conseil Général du Calvados.
En 2013, l’Association décide de quitter la commune d’Epron.